Fraisier ou Frézier ? L’histoire des fraises de Trégastel

Non ! Cette question ne met pas en doute l’orthographe du fruit préféré des enfants mais parfois la réalité dépasse la fiction. En effet le Capitaine François Amédée Frezier- nom authentique qui ne s’invente pas – fut bien l’auteur de la fraise moderne. En voici l’histoire.

 Ingénieur ordinaire du roi et capitaine du génie spécialiste des fortifications, il fut missionné en 1712 pour étudier, c’est-à-dire espionner pour le compte du roi, les fortifications côtières et portuaires des côtes du Pérou et du Chili, alors possessions espagnoles. On ne sait si il développa son gout pour l’exploration botanique par ennui ou par crainte d’être découvert par l’ennemi. Toujours est-il que c’est à Conception, dans la vice-royauté du Pérou, actuel Chili, qu’il découvrit une nouvelle espèce de fraisiers (Fragaria chiloensis), blanche et en forme de coeur, et originaire de l’île de Chiloe. Malgré son retour précipité, à la suite du traité d’Utrecht en 1714, il rapporta en France plusieurs plants de ces nouveaux fraisiers. En bon serviteur du roi, il en offrit à Louis XIV, déjà âgé, qui raffolait des fraises. Ces dernières étaient issues du croisement entre les fraises des bois, et les fraises découvertes par Jacques Cartier en Virginie au siècle précèdent. Le monarque les fit aussitôt cultiver par son chef jardinier La Quintinie au potager du Roi, à Versailles. L’ingénieur avisé en garda quelques plants également pour le jardin botanique de Brest du célèbre naturaliste Antoine de Jussieu, sans oublier d’en planter chez lui en Bretagne Nord, dans son jardin de Plougastel, où ils se répandirent avec succès suivies de nos jours par les nouvelles variétés remontantes.

C’est ainsi que les fraises blanches de Chiloé prirent une belle couleur rouge grâce au savoir-faire du naturaliste. Elles sont à l’origine de toutes les fraisiers modernes non remontants que l’on aurait bien pu appeler « fréziers » . Le capitaine-espion-naturaliste-jardinier ne l’aurait pas volé.