Le roi, les princes et le petit pois

dessin petit pois

Saviez-vous qu’avant d’être petit, le pois a permis aux hommes et aux bêtes,  et ce, depuis le néolithique, de survivre aux hivers les plus rudes? En effet facile à produire  et bien conservé au sec, il constitue la meilleure denrée pour affronter les périodes de disettes. Comme toutes les fabacées et à l’instar des lentilles ou des fèves, son pouvoir nutritif surpasse la viande carnée. Son destin changea quand en 1660, un cuisinier audacieux nommé Audigier l’offrit, encore vert, et en plein mois de janvier, au roi Soleil. Et comme c’était la mode en Italie, on en raffola. C’est ainsi que d’un légume de subsistance, il se métamorphosa en met des plus raffinés. Aussitôt les garçons jardiniers se mirent en branle pour cultiver les petits pois sur couches chaudes ; plus le fumier en fermentation est épais , plus les légumes sont précoces ou «hâtifs ». Ô, merveille ! les premiers légumes primeurs virent le jour. Ces prodigieuses récoltes firent l’admiration de toute l’Europe. Madame de Maintenon s’amusa d’ailleurs à écrire « L’impatiens d’en manger, le plaisir d’en avoir mangé, et la joie d’en manger encore sont les trois points que nos princes traitent depuyis quatre jours ».  En outre, le petit pois avait l’avantage d’être délicieusement tendre et de fondre sous le palais, rendant toute mastication inutile,  de la même manière que l’asperge, ou la figue, autres produits en faveur auprès des nobles gourmets.

Mais pour revenir à l’évolution du pois au fil des siècles; quand le pois est-il devenu petit ? Réponse : quand on trouva une sous variété dont la gousse, appelée le parchemin, ne fut plus rigide, ce qui la rendit parfaitement comestible. Le petit pois prit alors le nom de pois gourmand ou pois mangetout.

Le petit pois se démocratise ensuite au XIXème siècle, quand Nicolas Appert mit au point «  l’appertisation », qui permit de conserver les légumes  par la stérilisation. On inaugura les flacons en verre puis les premières boites de conserves chauffées à quatre-vingt-dix degrés. Par la suite, la production s’intensifia sur les coteaux de la Seine en région parisienne.

Mais parlons de sa culture. Les petits pois semés en terre dès le mois de mars forment des tiges lianes qui atteignent, de vingt-cinq centimètres à deux mètres, selon la variété, naine, demi-naine ou à rames ( grimpante). Ses semis n’ont pas besoin d’engrais car leur culture enrichit la terre , grâce à certaines bactéries qui ont la capacité de fixer l’azote. Ses feuilles alternées sont composées de folioles dont l‘extrémité prend la forme de vrilles par où la plante s’agrippe au treillis ou au grillage. Certains les remplacent par des branches de noisetier bien fourchues. Quant à sa fleur papilionacée, elle imite l’orchidée dont les veinules violettes sont du plus grand effet.

En feuilletant un numéro de Rustica datant de 1950, j’apprends un nouveau terme jardinier : écimer. Il s’agit de pincer les tiges au-dessus de la troisième fleur afin d’avancer d’une quinzaine de jours la formation des gousses. A cette époque, un jardinier peut facilement récolter, avant la dispersion de la rosée du matin, cinq à huit kilos de pois à l’heure. Il s’agit bien sûr de grande culture, et non d’un petit potager personnel, mais tout de même, quelle productivité !