Chacun connait la silhouette caractéristique des poireaux mais qui les connait sous leur plus beau jour, en pleine floraison ? Si vous souhaitez transformer votre potager en jardin remarquable, pourquoi ne pas les planter, au milieu des tulipes et des narcisses ? Avec leurs magnifiques ombelles en forme de globe, ils animeraient très bien les parterres printaniers ! De plus, les fleurs de poireaux, qui apparaissent la deuxième année de culture car ce sont des bisannuelles, produiront des graines pour une génération future de légumes.
Ainsi le poireau fait partie de la famille des alliacées, proche parent de l’ail et de l’oignon. Les botanistes s’accordent à trouver son origine dans le poireau des vignes, connue dans le midi où il se récolte sur les talus. Sa forme sauvage est appréciée des adeptes du potager perpétuel, dont je fais partie. Bien implanté dans un sol drainé et au soleil, il repousse chaque année après chaque cueillette.
La région de Rouen, au dix-neuvième siècle, s’est taillée une réputation dans l’amélioration du poireau… D’abord le « gros court de Rouen » qui deviendra ensuite « le monstrueux de Carentan », ou le roi des poireaux, puis la sélection se poursuivra avec le « Long de Mézières » « d’Elbeuf », « de Gennevilliers », « de Saint Victor », « Bleu de Solaise », « gros long d’été », « jaune gros du Poitou », tous cités en 1925 dans le catalogue de Vilmorin. Je ne suis pas sûre, cependant, de pouvoir les retrouver au catalogue officiel !
Quant à sa culture, il se sème au début du printemps sous abri et quand il atteint entre trois et cinq centimètres, la taille d’un crayon, on pourra le repiquer délicatement puis le butter. Il aime le sol riche, profond et frais bien au soleil. Le poireau demeure la sentinelle des potagers au long de l’hiver car il ne craint ni le froid, ni le gel mais seulement une redoutable petite mouche, la mineuse venue des confins de Russie. L’été qui précède la parution de mon livre sur le potager du Roi, j’ai dessiné ainsi à la « cérémonie du filet », blanc et à mailles très serrées, il ne fallut pas moins de huit jardiniers pour l’étendre au-dessus d’un carré sans laisser d’interstices où pourrait se glisser la redoutable mineuse du poireau. Le spectacle valait le détour.
Alors ne boudons plus le poireau, qui a gagné ces lettres de noblesse, pas seulement au jardin mais aussi à la table des grands chefs, en particulier les jeunes poireaux, délicieux au printemps.
Raphaèle Bernard-Bacot